Le Portugal ne possède aucune unité naturelle. Comprendre son histoire revient tout d'abord à expliquer comment la Péninsule ibérique, malgré un destin commun jusqu'au XIIe siècle, s'est divisée en deux. C'est expliquer comment ce territoire a pris et gardé son indépendance malgré les tentatives permanentes d'unification de son puissant voisin. En effet, malgré une forte individualité, les Basques, les Catalans et les Galiciens, eux, ont fini par rejoindre le Royaume de Castille pour former l'Espagne moderne.
Préhistoire et antiquité pré-romaine
Articles détaillés : . Dès cette époque apparaissent les caractéristiques qui ont amené le pouvoir romain et ses successeurs à distinguer les populations présentes sur la péninsule et donc à créer différentes divisions administratives. Les plus anciennes traces de civilisation au Portugal datent du
Paléolithique : peintures et gravures rupestres des grottes d'Escoural (
Alentejo), de Mazouco (Tras-os-Montes) et surtout de Vale de Côa, datées entre 22 000 et 10 000 ans avant J-C. La majorité de ces traces se trouvent au nord du
Tage et témoignent de l'existence de peuples vivant de chasse et de cueillette.
Environ 10 000 ans avant J-C, la Péninsule ibérique est habitée par des peuples autochtones connus plus tard comme les Ibères. Ceux-ci occupent surtout l'intérieur des terres.
Entre 4000 et 2000 avant J-C, on trouve les traces d'une culture mégalithique se caractérisant par une architecture funéraire et religieuse particulière et par la pratique de l'inhumation collective. On peut encore trouver dans le pays de nombreuses traces de cette religiosité même si la plupart sont concentrées dans l'Alentejo : le Cromlech d'Almendres près d'Evora (le plus important alignement de menhirs d'Europe), ceux de Vale Maria do Meio ou de Portela de Mogos ainsi que le Dolmen de Zambujeiro.
L'âge de bronze voit se développer des contacts maritimes entre le littoral atlantique et celui de la Bretagne et des îles britanniques. Alors que le sud entretient des liens commerciaux avec la Méditerranée : des Grecs et des Phéniciens venus de l'actuel Liban ainsi que leurs descendants carthaginois installent de petits comptoirs commerciaux semi-permanents. Les Phéniciens auraient ainsi fondé Lisbonne autour de l'an 1000 avant JC. Mais seul le site d'Abul, près d'Alcácer do Sal, demeure incontestable. La légende veut que ce soit Ulysse qui ait donné son nom à la ville. Le moteur de ce commerce est la richesse de la péninsule en métaux (or, argent, fer et étain).
Parmi les peuples Ibères se trouvent les Tartessiens, qui occupent l'est et le sud de la péninsule autour du Guadalquivir. Cette puissante civilisation, fortement influencée par les Phéniciens et les Grecs avec qui ils font commerce de bronze et d'argent, disparaît avec l'arrivée des Carthaginois en 235 avant J-C.
L'âge du fer voit arriver dans la région un peuple indo-européen, les Celtes, qui occupent le centre et l'ouest de la péninsule. Les populations Celtes restent les mieux connues: elles vivent regroupées en petits noyaux de population isolés établis sur les hauteurs avec des habitations circulaires (Castros du Portugal) et pratiquent l'agriculture et l'élevage. Chaque maison (150 environ) est défendue par une enceinte. On trouve aussi dans ces regroupements un édifice funéraire. Comme ils maîtrisent le fer, le travail de la terre devient plus efficace, les cueillettes augmentent, améliorant par la même les conditions de vie et la démographie.
Les tribus celtes et ibères se sont mêlées pour donner les peuples Celtibères dont font partie les Lusitaniens et les Gallèces (Gallaeci). Plusieurs tribus différentes couvrent ainsi la péninsule avec chacune sa particularité. Elles vivent autour des montagnes et ne s'intéressent pas à la mer.
Les Lusitaniens occupent le territoire actuel du Portugal. Possédant déjà une langue différente, ils s'émancipent peu à peu de la culture celte et s'étendent vers l'Estremadure.
Les Carthaginois ont débarqué dans la Péninsule au IIIe siècle av. J.-C., attirés par ses ressources minières mais aussi par la réputation des guerriers ibères pour faire face à Rome, et ont occupé la moitié sud de la péninsule. Les Lusitaniens s'allient avec eux pour résister à Rome et forment la principale résistance à l'invasion romaine dans la péninsule.
La région est ainsi le point de rencontre de populations venues d'horizons différents sur lesquelles va se greffer la culture romaine.
Province romaine
Articles détaillés : . La civilisation romaine imprègne le pays d'autant plus fortement que la résistance aux troupes romaines est particulièrement intense en Lusitanie. Vers le IIe siècle av. J.-C., dans le cadre de la deuxième guerre punique (entre 218 et 201 avant J-C), Rome soumet la
Péninsule ibérique, apportant ainsi sa contribution à la composition ethnique de la population portugaise moderne. Carthage avait précédé les Romains, soumettant certaines tribus ibères. L'objectif des troupes romaines de
Scipion est de prendre les troupes carthaginoises à revers et surtout de les empêcher d'y préparer un assaut sur Rome. Les Carthaginois sont expulsés. Cet épisode évolue très vite en une occupation militaire destinée à maintenir l'ordre et à assurer l'exploitation des ressources naturelles. En 197 avant J-C, le territoire est divisé en
Hispanie citérieure et
Hispanie ultérieure.
La pacification se révèle difficile. Les Turdétans au sud et les Lusitaniens à l'ouest se rebellent régulièrement, infligeant de sérieuses défaites à Rome et l'obligeant à y renforcer ses troupes. En 147 avant J-C, Viriatus, un Lusitanien, prend la tête de la résistance à cette invasion. Si on considère les Lusitaniens comme les ancêtres des Portugais, on peut comprendre que Viriatus soit devenu le symbole de la première résistance nationale. Il mène la lutte contre les troupes de Rome sous la forme de guérillas, mais est défait et meurt en 139 avant J-C.
En 133 avant J-C, Rome soumet définitivement la péninsule et mettent fin à la civilisation castrale en contraignant la population à s'installer dans les plaines pour son unification. Cette politique est à l'origine des villes de Braga (Bracara Augusta), Chaves (Aquae Flavia) ou Beja (Pax Iulia).
Sous la dictature de Sylla à Rome, l'aristocratie péninsulaire demande le soutien du général romain dissident Sertorius. Celui-ci repousse les troupes de Sylla. Il semble que son but ait été de construire dans la péninsule une république indépendante et de civiliser ces populations (79 avant J-C). Il crée un Sénat et surtout une école chargée d'éduquer les fils de bonnes familles pour former une élite.
Sous le règne d'Auguste, en l'an 13, a lieu un nouveau découpage du territoire : l'Hispanie Ultérieure est divisée en Lusitanie et Bétique, séparées par le fleuve Guadiana. Un nouveau découpage en l'an 286, sous le règne de Dioclétien, donne naissance aux provinces de Lusitanie (au sud du Douro), et de Gallécie, au nord du Douro. Les frontières du futur Portugal seront plus ou moins calquées sur celles des conventus romains. Cela laisse penser que ces divisions correspondaient à des tribus, des villages différents, ou, du moins, à des réalités sociales différentes.
Une variante populaire du Latin vulgaire devient la langue dominante de la région et remplace tous les dialectes parlés auparavant créant ainsi une certaine unité. Les Romains introduisent l´écriture, les écoles, de nombreuses notions scientifiques et la propriété privée alors inconnue. Ils diffusent leurs moeurs et leur culture, imposent un découpage administratif et une organisation sociale avec des seigneurs et des serfs, dessinent des routes, créent des villes, développent la culture des céréales, la pêche, la production de vin et de sel.
Cette occupation modifie le paysage architectural et donne son visage méditerranéen au pays. Citons en exemple le temple de Diane d'Évora, le forum d'Auguste ainsi que de nombreux amphithéâtres, temples et thermes.
Invasions barbares
Articles détaillés : .Autour du Ve siècle, des peuples barbares d'origine germanique envahissent une péninsule ibérique au sein d'un Empire romain en plein effondrement.
Parmi ces envahisseurs se trouvent les Suèves et les Wisigoths, qui peuplent ce qui est aujourd'hui le territoire portugais. Les Vandales et les Alains, arrivés également dans la région, sont rejetés ou partiellement intégrés par les Wisigoths. Ces nouveaux arrivants ont peu d'influence sur la langue, la plupart étant romanisés, ou sur l'organisation du territoire, puisqu'ils respectent les provinces existantes.
Les Alains, originaires d'Europe centrale et fuyant les Huns, s'installent en 409, sous l'autorité de Rome, en Lusitanie où ils restent jusqu'en 416 avant d'être réduits par les Suèves et les Wisigoths à la solde de Rome.
En 418, ces derniers, sont envoyés pour remettre au pas les Vandales, installés en Bétique depuis 411 mais pillant les régions alentours. Repoussés par les Wisigoths, ils finissent par s'établir en Afrique du Nord en 429.
Les Suèves arrivent également vers 409, s'établissent en Gallécie et y fondent un royaume. Le roi Herméric prête serment à Rome. Très vite, ils essaient de s'étendre, trouvant face à eux les Wisigoths en 418, mais réussissant à s'imposer au détriment des Alains. C'est un peuple rural et autonome ne se mêlant pas aux Romains. Ils prennent Braga comme capitale et se convertissent au christianisme une première fois en 448 grâce à l'évêque Martin de Braga. Le nord du Portugal devient dès cette époque un pôle religieux important. Rechiaire sera le premier roi européen chrétien à frapper sa propre monnaie.
Devant la puissance des Wisigoths, les Suèves tentent une alliance avec eux en 449. Mais, poursuivant leur stratégie expansionniste, ils subissent une défaite dénitive face aux Wisigoths en 456. Le Royaume suève est divisé puis réunifié en 464. C'est durant cette période de lutte entre royaumes suèves que Conimbriga est détruite. Les Suèves se convertissent à l'Arianisme en 466 avant de revenir au Catholicisme en 550.
Initialement envoyés par Rome comme armée, les Wisigoths finissent par dominer la Péninsule en 476 et mettre fin au Royaume suève en décomposition en 585. La conversion au catholicisme en 589 du roi Récarède Ier lui permet de faire accepter son autorité sur l'ensemble des peuples de la péninsule. Le Christianisme s'impose et tend à unifier les populations ibéro-romaines et barbares. Dans le même temps, la société se féodalise et les luttes internes à la noblesse se développent jusqu'à fragiliser le pouvoir.
On trouve des vestiges de la présence germanique dans la zone du Minho et de la Beira (chapelle de São Frutuoso de Montélios, cathédrale d'Egitânia).
Invasion arabe
Articles détaillés : .À partir du VIIe siècle, la Péninsule ibérique est envahie par les Maures venus d'Afrique du Nord : Arabes et Berbères nord-africains récemment convertis à la toute nouvelle religion : l'Islam. Ils débarquent dans le sud en 711, commandés par Tariq ibn Ziyad à la tête de 7 000 hommes, remportent la bataille de Guadalete face aux wisigoths de Rodéric. A l'origine de cette bataille, il y a la crise de succession qui divise la noblesse wisigoth: le gouverneur de Ceuta demande l'aide des maures pour s'opposer à ]. Dès 713, toute la péninsule est contrôlée, avec une présence musulmane (environ 500 000 individus) essentiellement concentrée autour de Cordoue et de Grenade.
Cette occupation de cinq siècles laisse une trace profonde dans les régions concernées, dans la langue, la toponymie (noms de villes commençant par -al), les moeurs, l'agriculture et le commerce. En comparaison avec les peuples du nord, c'est une civilisation raffinée et évoluée qui s'installe. Beaucoup de chrétiens reprennent les moeurs maures tout en gardant leur religion : les Mozarabes. D'autres vont jusqu'à la conversion à l'Islam: les Mudéjares.
Les Maures conservent les divisions administratives pré-existantes. Ils nomment le pays Al-Andalus et son occident al-Gharb al-Andalus (l'ouest d'al-Andalus, soit le sud et le centre du Portugal).
En 759, Abd al-Rahman Ier profite des dissensions entre Maures pour fonder une monarchie indépendante: le Califat de Cordoue. Bientôt se forment plusieurs royaumes musulmans indépendants politiquement (les Taïfas). Ces divisions facilitent la lutte d'une poignée de nobles wisigoths et de religieux ayant perdu leurs terres lors de cette invasion; regroupés au nord, sous la bannière du royaume asturien (incluant l'Asturie, le León, la Castille et la Galice), ils se rebellent en 750 pour reprendre leurs biens. Dès 718, le roi Pélage le Conquérant s'impose face aux Maures à la bataille de Covadonga. Cette première victoire annonce une avancée inexorable vers le sud qui prendra le nom de Reconquista (Reconquête): elle dure cinq siècles et s'acheve en 1249 pour le Portugal. Elle est fondatrice de l'identité nationale du pays.
La fin de la Reconquista portugaise, aboutie bien plus tôt que celle de l'Espagne (1492), est accélérée par la chute du califat de Cordoue en 1031. Les Taïfas de Badajoz et de Séville font appel aux Almoravides pour contrer la menace chrétienne. Ils en profitent pour occuper Cordoue et Séville, poussant le gouverneur de Badajoz à demander l'aide du León catholique en échange de villes comme Lisbonne, Santarém et Sintra.
En règle générale cette lutte entre chrétiens et musulmans ressemble moins à une guerre qu'à une suite de pillages, du moins jusqu'au XIe siècle et l'appel à la croisade.
Naissance du Royaume de Portugal
Articles détaillés : .Sous le règne de Alphonse Ier (successeur de Pélage le Conquérant), les seigneurs d'Asturie s'emparent des territoires jusqu'au Douro.
Le royaume de León compte au début quatre divisions: les Asturies, le León, la Galice et la Castille. Chacune est dirigée par un comte. Au fur et à mesure des conquêtes, les terres sont divisées en comtés ou en duchés. En 868, Porto et Braga sont reprises. À partir du IXe siècle, le sud de la Galice forme un comté dynamique autour de sa métropole religieuse, Braga, et de son port Porto. Il porte le nom de Portucale ou Terra portucalensis (pays de Portucale), rappelant le nom latin de Porto (Portus Cale ou Portucale).
La noblesse qui s'y installe fonde le Condado Portucalense, dirigé par Diogo Fernandes puis ses enfants jusqu'en 1071. De nombreuses incursions au sud du Douro donnent lieu à de nouvelles occupations par de nouveaux seigneurs qui eux-mêmes se rebellent bientôt contre le comte et même à s'émanciper de l'autorité royale.
En 1095, Urbain II lance la première croisade pour libérer les lieux saints et surtout réagir à la menace que représentent les Turcs récemment convertis à l'Islam. Déjà, les réformes grégoriennes appellent à s'unir pour lutter contre toutes les croyances païennes et hérétiques.
C'est dans ce cadre que, en 1095, Alphonse VI de Castille et de León, annexant la Galice et le comté de Portugal, réunifie le royaume. Alphonse VBI est marié avec Constance de Bourgogne et fait appel à sa belle famille bourguignonne pour l'aider à reconquérir la péninsule. Raymond et Henri de Bourgogne, de la famille royale de France, font partie d'une noblesse en quête de terre et de prestige et répondent favorablement à l'appel.
En remerciement et pour consolider ses liens avec les autres monarchies, il donne à Raymond sa fille Urraque et en fait donc le futur roi de León et de Galice.
A Henri, il donne la main de sa fille bâtarde, Thérèse de León et le Comté de Portugal. Dès lors, celui-ci installe sa cour près de Braga, à Guimarães (considéré depuis comme "berceau" du Portugal). Il continue à prêter serment à Alphonse VI tout en bénéficiant d'une certaine autonomie, et poursuit la reconquête jusqu'au fleuve Mondego.
Des circonstances particulières permettent à Henri de prendre son indépendance: la mort du roi Alphonse VI et de son héritier. Urraque Ire de Castille monte alors sur le trône, provoquant des contestations chez ses vassaux. Henri refuse de lui prêter l'hommage et affirme son indépendance. A sa mort, sa veuve Thérèse de León, hérite du comté et poursuit cette politique d'indépendance. Pourtant son rapprochement avec la noblesse de Galice qu'elle réclame en héritage provoque le mécontentement de la noblesse portugaise. C'est alors son fils Afonso Henriques, né à Guimarães, soutenu par la noblesse portugaise opposée à cette alliance, qui se révolte contre sa mère - bataille de Sâo Mamede en (1128) - puis contre le nouveau roi Alphonse VII qui finit par en faire son vassal en échange de sa loyauté (traité de Tui en 1137).
En 1139, Afonso Henriques remporte sur les musulmans une bataille historique à Ourique et est proclamé roi par ses troupes sur le champ de bataille. La légende veut que Jésus lui soit apparu pendant la bataille. Cette situation est officialisée par le Traité de Zamora (1143) par lequel Alphonse VII reconnaît le royaume du Portugal et son roi Alphonse Ier. Grâce à son habilité politique et guerrière, ce dernier a réussi là où d'autres comtés échouent, et gagne ainsi son indépendance.
La dynastie des Bourgogne
Articles détaillés : . Fin de la reconquête
Une fois reconnue son indépendance, le royaume de Portugal continue la lutte contre les
Maures :
Après ces défaites successives, les Almoravides sont remplacés par les Almohades dans le contrôle de la péninsule (1151). Le roi de León, sur le point de se faire doubler par Alphonse Ier pour la prise de Badajoz, s'allie aux Almohades pour l'en empêcher.
Lisbonne devient la nouvelle capitale du royaume alors que jusque-là, le roi réside à Coimbra. Il est officiellement reconnu par le pape Alexandre III en 1179.
Les terres conquises sont confiées aux différents ordres religieux et militaires qui contribuent au succès de la reconquête (l'Ordre de Santiago à Alcácer do Sal, Almada, Palmela, l'Ordre du Temple à Santarém et dans la Beira Baixa, l'Ordre cistercien à Alcobaça, l'ordre des bénédictins dans le nord...) mais aussi à des populations groupées en communautés indépendantes (Concelho). Il s'agit de les occuper, de les défendre, mais aussi de les dynamiser, mettre les terres en valeur et y attirer une population restée méfiante. Cette méfiance transparaît dans le caractère défensif de l'architecture romane. Cette époque correspond ainsi à une période de développement des villes et du commerce qui accompagne les croisades.
Cette reconquête ne s'achève qu'avec les successeurs d'Alphonse Ier.
Sanche Ier (1185-1211) prend Silves (3 septembre 1189 ). Mais les maures profitent des dissensions entre les royaumes chrétiens (1185-1189) pour reprendre de nombreux territoires dont Alcácer do Sal le 10 juin 1191 . Il faut attendre 1211, pour que l'offensive chrétienne reprenne, encouragée par le pape Innocent III. Le Portugal intervient également au côté d'Alphonse VIII de Castille pour repousser les Maures avec la victoire de Las Naves de Tolosa (16 juillet 1212 ).
Les ordres militaires et les seigneurs de plus en plus puissants sont devenus aussi une menace pour le pouvoir royal. Le roi refuse d'appliquer au Portugal le décret du pape sur la confiscation des biens des infidèles ce qui lui vaut, à lui et à son successeur, d'être excommuniés.
Son successeur Alphonse II (1211-1223) s'attaque aux abus et vérifie tous les titres de propriété des seigneurs (inquiriçoes). Le pouvoir royal en ressort légitimé.
Alcácer do Sal est définitivement reprise en 1217.
Sanche II (1223-1248) est très actif sur le plan militaire et prend Elvas et Juromenha (1229), Moura et Serpa (1232), Aljustrel (1234) et Mertola (1240). Il reçoit soutien actif du pape Grégoire IX qui lie la reconquête aux Croisades: le 21 octobre 1234 , la bulle papale Cupientes Christicolas concède l' à tous ceux qui aident le Portugal dans sa lutte. Les seigneurs en profitent pour échapper à l'autorité royale; le pays connaît une période d'anarchie. L'Église se considère délaissée au profit des ordres militaires, ce qui vaut à Sanche II les réprimandes du pape.
Alphonse III (1248-1279) est désigné par le pape pour le remplacer dès 1246 : Sanche II doit s'exiler. Le nouveau roi s'engage à rétablir l'ordre, à respecter le pouvoir de l'Église et de la noblesse. Le pouvoir royal ne s'en trouve pas pour autant affaibli et il doit à nouveau affronter le mécontentement de l'Église en 1266.
Il reprend l'Algarve en 1249, plaçant son royaume en tête des états d'Europe à avoir atteint ses frontières définitives. En 1267, après un début de conflit, le Traité de Badajoz signé entre Alphonse III et Alphonse X de Castille, fixe les frontières avec le royaume de ce dernier.
Développement du pays
Les règnes suivants de cette dynastie, Denis Ier, Alphonse IV, Pierre Ier le Justicier et Ferdinand Ier s’accompagnent d’un développement économique, démographique, technique (dans l'agriculture et le transport), artistique (cathédrales de
Braga, de
Coimbra et de
Lisbonne, église des Templiers du couvent de
Tomar) et intellectuel (historiographie, enluminure
Commentaire de l’Apocalypse).
Ce développement se fait grâce au butin de la reconquête et à la longue période de stabilité qui suit. Denis rétablit l'ordre et réconcilie la couronne et l'Église.
Il a aussi la volonté de peupler ce nouveau territoire afin de le renforcer (avec privilèges aux seigneurs, abolition de la servitude, concessions de chartes...). Beaucoup de musulmans ont émigré pour échapper aux chrétiens mais la grande majorité ne peut faire autrement que de rester sur place. Cela va ainsi réunir des populations très différentes: chrétiens du nord et du sud, moçarabes, arabes et juifs qui vont se fondre peu à peu. Les rois accordent même une certaine protection aux juifs et aux arabes tout en les maintenant hors les murs des villes: les mourarias et les judiarias. La culture galaico-portugaise se fonde avec le Lusitano-moçarabe. Notons également l'installation de français venus avec les croisades qui laisseront leur marque dans la culture et l'architecture portugaise. De ce mélange naît le particularisme portugais. Au sud, une population sous l'influence d'une civilisation brillante et raffinée, au nord, des guerriers et des paysans à la vie rude et austère. Une coupure nord-sud persiste encore aujourd'hui dans le paysage et la mentalité.
La cour va s'établir à Lisbonne à cette époque. Une nouvelle organisation territoriale et administrative se met en place avec une tendance à la centralisation du pouvoir. Mais les différences subsisteront là aussi entre le régime seigneurial, une noblesse puissante au nord et de vastes domaines confiés aux ordres religieux sous autorité royale au sud.
1279-1325 : Denis Ier établit les bases des futures grandes expéditions maritimes. Son long règne va permettre d'asseoir les institutions. Il impose le Portugal comme nation et permet à la population de prendre conscience de son unité symbolisée par la construction du monastère d'Alcobaça. Unité grâce à la langue portugaise que Denis Ier va officialiser se démarquant ainsi nettement de la Galicie. Lui même participe à la création d'une littérature portugaise. Unité grâce aux ordres religieux, aux écoles et à l'université (fondée à Coimbra en 1290).
L'ordre des templiers supprimé par le pape en 1319, Denis le remplace par un Ordre du Christ à sa botte, s'emparant ainsi de ses richesses. Cet ordre jouera par la suite une rôle considérable dans les grandes découvertes. Déjà, sous ce règne, le sud du pays se tourne vers le large: Lisbonne s'ouvre au commerce avec l'arrivée des gênois ; le premier traité commercial avec le Royaume-Uni est signé; les côtes de l'Estremadure qui fourniront le bois des futurs bateaux sont reboisées.
Crises du <span class
"romain" title="Nombre écrit en chiffres romains">XIV
e siècle ==== Le règne de Denis se termine par un conflit avec son propre fils. Devenu roi, Alphonse IV aura un règne (1325-1357) marqué par le début d'une crise économique et par une épidémie de peste (1348) qui va décimer un tiers de la population. Les campagnes se vident. La production agricole s'en ressent. La surpopulation des villes entraîne pauvreté, délinquance et désordre social. L'insalubrité qui y règne aggrave l'épidémie. Ces crises poussent tout de même le roi à reprendre le pouvoir en main et à encourager le commerce maritime afin de ravitailler le pays.
Le règne sera surtout marqué par le mythe de la reine morte.
Après avoir marié sa fille au roi de Castille, un conflit éclate entre les deux couronnes. Il mariera alors son fils Pierre à Constance, la fille du chef de l'opposition castillane en 1340. Or Pierre tombe amoureux de l'une des suivantes de sa femme, Inês de Castro, fille d'un seigneur de Castille. Cette liaison s'affiche malgré les menaces de Constance. Pierre se rapproche de l'opposition castillane ce qui fait jaser la noblesse portugaise. Inês va être expulsée à Albuquerque. Mais en 1345, Constance meurt. Elle laisse un fils, Ferdinand, qui sera toujours un enfant fragile. Pierre fait revenir Inês malgré l'opposition de son père. Il en aura 4 enfants. Il semble alors que les frères d'Inês aient entraîné Pierre dans des intrigues dangereuses pour le Portugal. Son père essaiera de le convaincre de se remarier avec une autre femme. Face au refus de son fils, il décide de faire assassiner Inês de Castro: Le 7 janvier 1355, dans le couvent de Santa Clara à Coimbra on lui tranche la tête. Fou de rage, Pierre se révolte contre son père qui meurt peu de temps après. Devenu roi Pierre Ier (1357-1367) fera poursuivre les assassins pour les torturer et leur faire avouer la vérité. En 1360 afin de légitimer les enfants qu'il a eu avec Inês, il dira qu'ils étaient mariés en secret. Le corps aurait alors été exhumé, Inês couronné reine et les grands du royaume obligés de lui baiser la main. De nouvelles funérailles sont célébrées et le corps mis dans le tombeau qui lui était réservé dans le monastère d'Alcobaça. Il semble que Pierre Ier ait petit à petit sombré dans la folie. Pourtant très populaire auprès du peuple, ce règne reste comme une période d'affermissement du pouvoir royal et de paix.
Il aura par la suite un autre fils bâtard, Jean, qu'il fit maître de l'ordre d'Avis.
Ferdinand Ier (1367-1383), enfant de son premier mariage devient roi. Se déclarant héritier du trône de Castille laissé vide, en tant qu'arrière petit-fils de Sanche IV, il entre en conflit avec les autres prétendants, dont Henri de Trastamare (1369). Le conflit fut momentanément résolu par l'intervention du pape Grégoire XI en 1371 pour reprendre en 1372. Continuant à conspirer avec l'aide de l'Angleterre contre Henri, Devenu Henri II de Castille, ce dernier prend les devants et envahit le Portugal. La défaite est totale. Seule l'intervention du pape sauva Ferdinand Ier. Un accord de paix est signé en 1373.
L'accord de paix avait prévu un mariage avec la fille d'Henri de Castille. Ce sera finalement avec une de ses suivantes qu'il se mariera: Éléonore Teles de Menezes, de la famille des comtes de Barcelos. Éléonore devint chaque jour plus influente auprès du roi, agissant sur la politique externe, défendant les intérêts de la noblesse contre la centralisation du pouvoir. Outre la colère des classes populaires, le roi et la reine provoquent celles des classes moyennes, qui ont pris une grande importance ces dernières années et voient la situation économique se détériorer avec ces conflits successifs.
Des émeutes fréquentes et des famines accompagnent le développement des villes. Beaucoup de pauvres s'engagent dans l'armée puis dans la marine.
Le conflit reprend en 1381. A nouveau, la Castille envahit le pays soutenue par Éléonore et une partie de la noblesse. Un nouvel accord de paix est signé avec décision de marier son unique fille, Béatrice de Portugal avec Jean Ier de Castille. Cela va provoquer la fin de cette dynastie. Ferdinand mort (1383), Jean Ier de Castille réclame tout naturellement, avec l'appui d'une partie de la noblesse portugaise, l'union des deux couronnes. Cela signifierait l'annexion du Portugal. Encore une fois les intérêts de la noblesse et de la bourgeoisie portugaise entrent en conflit. Une crise de succession commence durant la régence de Éléonore: entre les nobles qui prennent le parti de la Castille et la bourgeoisise unie autour du maître de l'Ordre d'Aviz (Jean, un des fils bâtards de Pierre Ier avec Inês) pour défendre ses intérêts. Celle-ci va prendre tout le monde de vitesse en proclamant Jean Ier le 6 décembre 1383 et en assassinant le favori de la régente; celle-ci se réfugie en Castille qui lève aussitôt une armée et assiège Lisbonne en 1384.
La contre-attaque s'organise aussitôt menée par Nuno Alvares Pereira. C'est la victoire des Atoleiros. Les Castillans reviennent et seront défaits malgré leur supériorité numérique lors de la bataille d'Aljubarrota le 14 août 1385, puis à Trancoso et à Valverde.
Après de longues délibérations, les Cortês de Coimbra confirment Jean Ier sur le trône. Ses partisans lui donnent une légitimité juridique et évitent ainsi une nouvelle attaque. On peut parler d'une révolution bourgeoise (avec au centre l'Université totalement acquise à Jean Ier) où la population opte pour un état marchand favorisant le développement des affaires. C'est aussi la première fois qu'un roi est élu par une assemblée contre l'hérédité naturelle. En tout cas, avec cette victoire le pays marque résolument son indépendance envers la Castille: ce qui laisse penser que c'est avant tout un esprit patriotique et le rejet de Ferdinand et d'Éléonore qui ont animé le peuple dans cet épisode.
La dynastie d'Aviz
Les débuts de l’expansion
Article détaillé : . Le règne de
Jean Ier (1385-1433) marque le début des grandes conquêtes maritimes et de l'apogée du royaume.
Plusieurs générations de rois brillants vont dominer l'Europe de l'époque et lui montrer la voie à suivre. Pendant son règne Jean Ier va s'évertuer à donner du prestige à la fonction royale et à centraliser le pouvoir en plaçant ses enfants à des postes stratégiques. Il sera aussi un monarque cultivé qui transmettra à ses enfants sa soif de connaissances. Tandis que la bourgeoisie voit ses intérêts pris en compte et se profiler les moyens de sortir de la crise économique, la noblesse entre en disgrâce. Ses impôts sont augmentés. Des enquêtes sont menées sur ses biens (devassas). Pour une partie de la noblesse qui l'a aidé il passe pour un ingrat et provoque des haines. Celles-ci s'unissent autour du propre fils bâtard du roi, Alphonse, Duc de Bragance et comte de Barcelos.
Avec la guerre, le pays a vu se former l'idée d'une indépendance et d'une unité nationale à défendre contre les intérêts étrangers. En 1388, pour perpétuer le souvenir de cette bataille fondatrice, le roi fait construire un monastère où seront enterrés les membres de cette dynastie: le monastère de Batalha. Un monument qui marque aussi l'entrée du gothique au Portugal.
Il s'évertue à renforcer les liens de la couronne avec les autres monarchies en plaçant ses enfants, en Castille, en Aragon, en France et en Angleterre. En 1386 est signé un traité entre la Grande-Bretagne et le Portugal, le Traité de Windsor, qui reste la plus ancienne alliance entre deux nations. Alliance militaire contre la France et la Castille, mais aussi alliance commerciale. Ce traité sera renforcé par le mariage du roi avec Philippa de Lancastre soeur du futur roi Henri IV d'Angleterre. De cette union, qui légitime ce roi bâtard, vont naître cinq enfants qui s'illustreront tous dans la période qui s'ouvre.
Sous l’impulsion d’Henri le Navigateur, l'un de ses fils à la tête de l'ordre du Christ, les marins portugais vont découvrir de nombreuses terres d’Afrique et ouvrir les routes maritimes vers des contrées jusqu'alors inaccessibles. Il va diriger ces voyages jusqu'en 1460. Pendant ce temps, la France et l'Angleterre étaient plongées dans la Guerre de Cent Ans. L'Espagne, elle, continuait sa reconquête.
Ces découvertes ne sont au début qu'un simple prolongement de la reconquête chrétienne. D'ailleurs un débat va subsister entre les partisans de la poursuite de la Croisade marocaine et de l'expansion atlantique. À cette époque, ce sont les partisans de la première voie qui l'emportent: on projette alors de poursuivre en Afrique du Nord une guerre religieuse qui donne aussi l'opportunité de canaliser les forces et les ambitions de la noblesse en mal d'action et de richesse. Devant la méfiance de la Castille, on se détourne de Grenade, pourtant plus proche, pour viser Ceuta sur le continent africain. L'idée de s'emparer des terres à blé de la région et de l'or que les caravanes transportent depuis l'intérieur du continent africain n'est pas étrangère à l'affaire. Il faut dire que le pays compte déjà un million d'habitants qui se sentent à l'étroit. Il existe une légende qui évoque un certain Prêtre Jean, souverain chrétien d'un pays inconnu, situé au-delà des terres d'Islam. Le rejoindre permettrait une alliance chrétienne afin de prendre le monde musulman à revers et libérer la terre sainte. Enfin, avec l'expansion musulmane en Méditerranée, le Portugal voit débarquer des commerçants gênois qui cherchent une autre manière d'atteindre les Indes.
La prise de Ceuta en 1415 marque le début de cette expansion. Ceuta est une ville stratégique à l'entrée du détroit de Gibraltar où aboutissent les esclaves en partance pour l'Europe mais aussi l'or et les épices. Jean Ier ainsi que trois de ses enfants sont du voyage. Ces derniers seront d'ailleurs fait chevaliers à l'issue de cette victoire. Mais les terres conquises ne se révèlent pas aussi intéressantes que prévu. Elles finissent même par être coûteuses car on doit les protéger. Pour administrer ces terres l'Infant s'installe donc à Sagres. Mais petit à petit se forme l'idée de s'étendre autour de Ceuta et de longer la côte vers le sud afin de prendre les arabes à revers et de rentrer directement en contact avec les terres d'où partait le commerce de l'or.
Cette initiative politique donne lieu à la redécouverte des îles Atlantiques connues par les marins mais jamais officiellement découvertes. Désormais les initiatives privées dans le domaine des découvertes laissent place à une impulsion para-étatique beaucoup plus efficace et à même de prendre des risques au nom du roi.
L'intelligence de Henri est aussi de chercher à compiler toutes les connaissances maritimes de l'époque. Il saura s'entourer des meilleurs cartographes et astronomes. Il faut dire que le pays profite de l'expérience des nombreux gênois, juifs, arabes présents sur le territoire. On redécouvre grâce à eux les connaissances de l'Antiquité perdues par la Chrétienté.
En 1419, João Gonçalves Zarco, Tristão Vaz Teixeira puis Bartolomeu Perestrelo débarquent à Madère. Une colonisation va commencer et s'intensifier dès 1420 avec l'introduction des céréales, de la canne à sucre et de la vigne. Cet archipel donne naissance à la première colonisation du Nouveau Monde par les européens.
Entre 1425 et 1434, Henri tentera par trois fois de prendre les Canaries à la Castille en vain.
En 1427 découverte des Açores par Diogo de Silves. Ici, le climat fut plus favorable aux céréales et au bétail.
Ces deux archipels constituent une base stratégique entre l'Europe, l'Afrique et les Amériques. Leur colonisation planifiée inaugure des méthodes (la capitainerie: terres héréditaires données à des vassaux afin de les exploiter en échange d'une redevance) qui vont être reproduites à une plus grande échelle dans les autres colonies portugaises. Pour le peuple, ces nouvelles terres offrent une opportunité de faire fortune en quittant un territoire devenu trop étroit. Pour l'économie portugaise, elles deviennent d'importantes sources d'approvisionnement.
En 1434, le Cap Bojador, considéré comme la limite du monde connu et réputé infranchissable, est franchi par Gil Eanes. Le contournement de L'Afrique est désormais envisageable. Dès lors les navires remontent systématiquement les fleuves à la recherche d'un passage. L'Infant reçoit du Pape le monopole sur toutes les terres au sud de Bojador. Édouard Ier (1433-1438) devenu roi, projette la prise de Tanger en 1437 pour sécuriser Ceuta. Il s'agit de conserver à tout prix ce territoire. C'est un échec. Son propre frère, Ferdinand, est gardé en otage au Maroc. Cela refroidit les ardeurs du roi mais confirme l'idée de contourner l'Afrique en longeant la côte.
En 1435, Afonso Gonçalves Baldaia et Gil Eanes franchissent le Tropique du Cancer et découvrent un fleuve avec de l'or(Rio de Ouro).
À la mort de Édouard Ier, sa veuve, Aliénor d'Aragon devient régente pendant l'enfance de Alphonse V. Elle soutient l'infant Henri et les partisans de la guerre pour libérer Ferdinand. Mais les Cortês et le duc de Coimbra, Pierre, un des fils de Jean Ier, s'y opposent. Ils se méfient de l'influence des frères de Aliénor. On retrouve l'ancienne division entre la noblesse et la bourgeoisie, entre d'un côté les partisans de l'idéal chevaleresque et de l'expansion nord-africaine, de l'autre les défenseurs de la bourgeoisie, du commerce et de la poursuite des découvertes territoriales. La régence est répartie entre Aliénor, Pierre et les Cortês. Mais dans les faits c'est Pierre qui régne (1441-1448) jusqu'à la majorité de son neveu. Le pays connaît un certain développement économique. Ferdinand mourra en captivité sans que rien n'ait été tenté pour le libérer. Cela émeut l'Europe toute entière car la couronne a failli à l'esprit chevaleresque. Le conflit familial reprend en 1448: Pierre et ses partisans seront tués par les troupes d'Alphonse V et du duc de Bragance dans la bataille d'Alfarrobeira (20 mai 1449).
En 1441, découverte de Cap-Vert et du Cap Blanc.
Entre 1441 et 1445, Antao Goncalvez et Nuno Tristam dirigent des expéditions militaires au sud du cap Bojador, atteignent le Sénégal et la Guinée et ramènent des noirs comme esclaves initiant la traite des noirs dans leurs pays, pour les travaux ménagers et agricoles. En 1454, le Pape Nicolas V autorisera l’esclavage des sarrasins et des païens par la bulle romanus pontifex. Au XVIIIe siècle, fin officielle de la traite des noirs au Portugal, on comptera 10% d’africains à Lisbonne. En 1443, Nuno Tristan découvre l'île d'Arguim (Mauritanie). Dès lors, Henri va tenter d'attirer sur cette île, stratégiquement située, la route des caravanes qui traversaient le Sahara transportant l'or et les esclaves. Il y fait construire un Fort avec un administrateur héréditaire. Ce sera la premier Comptoir régulier. Ces importations se révèlent très lucratives pour le pays.
Ces marins ne se contentent pas de longer la côte africaine; il semble qu'ils aient navigué plus loin, allant jusqu'à dessiner une carte des vents et des courants atlantiques et peut-être même reconnaître les Antilles et le Brésil.
Renforcement des places acquises
Alphonse V devenu roi (1448-1481) ne poursuit pas la politique centralisatrice de son grand-père. C'est la noblesse menée par le Duc de Bragance qui va contrôler le pouvoir royal. L'esprit de Croisade reprend le dessus, renforcé par la prise de Constantinople (1453). Dès lors, le Pape encourage à la guerre contre les Turcs. Trois bulles papales confèrent au Portugal le droit de soumettre les incroyants, de s'emparer de leur terre et de les convertir(
Dum diversas, Romanus Pontifex et Inter caetera). Le roi cherchera donc à renforcer les places acquises et à exploiter les richesses. Cela se traduit par les prises de Alcacer Ceguer (1458),
Arzila et
Tanger (1471).
Malgré un piétinement des découvertes, celles-ci se poursuivent: Diogo Gomes découvre la Guinée et la Sierra Leone en 1450. En 1460, année de la mort de Henri, le Portugal atteint le Sierra Leone avec les navires de Pedro de Sintra. C'est l'Infant Ferdinand qui succède à Henri. Le centre de décision revient à Lisbonne ce qui révèle sa volonté de mieux contrôler et faire fructifier ces richesses. Le commerce est confié à Fernao Gomes pour une durée de cinq ans, à partir de 1469 : il est chargé de faire le commerce avec la côte africaine avec obligation d'explorer 100 lieues par an. Ces hommes découvriront et nommeront les terres de Malaguettes, de Côte d'Ivoire, du Golfe de l'Or. Ils franchissent l'équateur en 1471 et découvrent le Gabon et São Tomé. La Casa Guinée est créée pour contrôler les importations.
Au Portugal, c'est une période de grande stabilité, les impôts sont uniformisés. Quelques familles vont profiter de ce rêgne et acquérir une grande puissance et une grande influence auprès de la couronne: les Bragance, les Meneses, les Coutinhos et les Melos. Le droit portugais réalise une avancée majeure avec la publication des Ordonnations Alphonsines (1466).
Guerres de succession
Le rêve d'unifier la péninsule à leur profit anime toujours les deux couronnes. Alphonse V se marie avec
Jeanne de Castille (dite
la Beltraneja) fille d'
Henri IV de Castille. À la mort de ce dernier, en 1474, le roi fait bien entendu valoir les droits de sa femme.
Isabelle de Castille, la veuve, unie à Ferdinand d'Aragon s'y oppose. Cela déclenche une guerre de succession au trône de Castille. Alphonse V envahit la Castille avec l'aide du roi de France. Il est défait le 1er mars 1476 à la Bataille de Toro.
L'Espagne, qui en a presque fini avec sa reconquête, tente de remettre en cause le monopole du Portugal en encourageant le commerce avec l'Afrique. Le 25 janvier 1479, le traité d’Alcáçovas met fin aux conflits entre les deux couronnes et attribue définitivement les Canaries à la Castille et les archipels de Madère, des Açores et du Cap Vert, au Portugal. Le Portugal reçoit aussi le droit de conquérir Fez et le commerce exclusif avec la Guinée.
Nouvel essor
Après ce relatif ralentissement, les découvertes vont prendre un nouvel essor initié par le nouveau maître des expéditions, l'Infant Jean. Il va véritablement planifier les découvertes avec comme but fixé d'atteindre les Indes. Lisbonne est maintenant devenue le point de départ du commerce européen.
En 1474, Corte Real et Martins Homem découvrent le Groenland et Terre-Neuve.
Devenu roi, sous le nom de Jean II (1481-1495), il va centraliser le pouvoir dans ses mains et planifier les grandes découvertes. Jean II est le roi de la Renaissance par excellence: il met fin à certains privilèges, oblige la noblesse à lui prêter serment, se débarrasse des traitres (le duc de Bragance avec le soutien de la Castille conspirant contre lui, il le fait arrêter et tuer en 1483 ; en 1484, c'est le Duc de Viseu qu'il assassine lui-même pour les mêmes raisons). Le pouvoir et le domaine royal s'en trouvent agrandis. Mais il provoque la haine de la grande noblesse. D'autant que pour ce qui est des expéditions, il ne va plus dans leur sens et privilégie cette fois la poursuite des découvertes de nouvelles terres et surtout de la route des Indes. Cela semble maintenant possible et on s'en donne les moyens. L'Afrique n'est plus l'enjeu ; il s'agit de la contourner. La mission est confiée à Diogo Cão. En 1481, il emporte avec lui le premier « padrao » (borne de pierre avec les symboles du Portugal plantée dans les terres découvertes) . Il remonte le fleuve Zaïre, débarque au Congo, au Gabon, en Angola et en Afrique du Sud enfin en 1486.
Les expéditions coutant cher, elles sont financées grâce aux exploitations des terres conquises: exemple avec l'établissement de São Jorge de Mina, dans le golfe de Guinée, qui voit converger l'or de la région. Construit en 1482, il vise aussi à interdire l'accès aux navires étrangers sur les eaux portugaises. Le traité de Tolède (6 mars 1480) instaure un partage de l'Atlantique avec la Castille, lui abandonnant les découvertes à l'ouest des Canaries et assurant au Portugal le monopole en Afrique. Madère devient un point d'escale. Le vin, la canne à sucre et l'élevage s'y développent grâce à l'arrivée de migrants et d'esclaves. Le blé des Açores sert à ravitailler le pays. Cap Vert, Sao Tomé et Principe fournissent du sucre et du bétail. Le Portugal passe une alliance avec le Congo qui se laisse christianiser. Le commerce avec les africains rapporte aussi de l’ivoire et des fruits tropicaux.
C'est ensuite Bartolomeu Dias qui est envoyé en 1487. Il double le Cap de Bonne Espérance (qu'il avait nommé Cap des Tempêtes avant que le roi ne lui donne ce nom prophétique) le 6 janvier 1488. C'est emporté par une tempête qu'il franchit le Cap par hasard. Il ne s'en rendra compte qu'en revenant en arrière. Il atteint l'actuelle Namibie. Une révolte de l'équipage l'empêche d'aller plus loin.
Dans le but de préparer le voyage vers les Indes, Jean II envoie en 1488 des émissaires par voie de terre. C'est un moyen de recueillir des informations sur les courants dans l'Océan Indien, peut-être même de trouver une trace du Royaume du prêtre Jean. C'est d'abord Pedro de Montanoio et Pedro de Lisboa qui partent. Puis Pêro da Covilhã et Afonso Paiva qui apporteront des renseignements précieux pour le voyage de Vasco de Gama. Ils partent vers Jérusalem, accèdent au Golfe Arabique, à Aden à l'embouchure de la mer Rouge. Ils se séparent ensuite. Paiva part vers l'Abyssinie à la recherche du prêtre Jean. Covilhã part vers les Indes. Il passe par Calicut, puis Sofala, Madagascar, revient au Caire où il apprend la mort de son compagnon. Il envoie ses informations au roi et part pour Ormuz. Il parviendra à la cour du roi chrétien Négus. Il s'y mariera et y finira ses jours. Grâce à lui, on fait construire des navires spéciaux: la caravelle va être remplacée par la nef permettant d'emporter plus d'équipage, d'armes et de ravitaillement.
Pendant ce temps là, l'Espagne prend Grenade et met fin à la reconquête (1492). Cette victoire laisse les mains libres aux rois d'Espagne pour entreprendre des expéditions. Christophe Colomb embarque en leur nom pour atteindre les Indes par l'ouest. Jean II, à qui il s'était adressé auparavant refuse de financer ce voyage, privilégiant la route découverte par Vasco de Gama et estimant, à juste titre, que Colomb se trompe. Colomb se tourne donc vers l'Espagne.
Par ailleurs, l'Inquisition affirmant que Dieu a pris fait et cause pour l'Espagne depuis cette victoire, elle demande de chasser du pays tous les non-croyants: sous l'influence du grand inquisiteur Tomás de Torquemada, les juifs vont être expulsés d'Espagne. Ils cherchent à se réfugier au Portugal. Jean II comprend tout le parti qu'il peut en tirer: il va chercher à les attirer tout en taxant leur entrée. Il faut dire qu'ils apportent leurs richesses et leurs connaissances (citons Abraham Zacuto qui deviendra l'astronome du roi). On estime les nouveaux arrivants entre 60 000 et 120 000. Leur réussite et les protections accordées suscitent de nombreuses jalousies dans la population.
En 1493, Christophe Colomb revient d'Amérique et c'est à Lisbonne qu'il débarque en premier. Il annonce au roi que les terres découvertes lui appartiennent en vertu du traité d'Alcaçovas. Jean II va les revendiquer auprès du Pape Alexandre IV. Une bulle papale va alors établir une division des terres qui passe à 100 lieues à l'ouest du Cap-Vert. Jean II exige un autre accord: le 7 juin 1494, l'Espagne et le Portugal signent le Traité de Tordesillas qui fixe la limite à 370 lieues. Ce nouvel accord permet au Brésil qui n'a pas encore été découvert d'être portugais tout en abandonnant à l'Espagne les nouvelles terres d'Amérique. Cela laisse penser que le Portugal connaissait l'existence de terres vers l'ouest bien avant la découverte du Brésil.
Apogée
C'est le nouveau roi Manuel Ier (1495-1520) qui va tirer profit de la politique intelligente de
Jean II. Celui-ci, très impopulaire auprès de l'aristocratie, meurt probablement empoisonné en 1495. L'Empire portugais va alors connaître son apogée.
Vasco de Gama arrive aux Indes le 20 mai 1498, ouvrant la voie au commerce très fructueux des épices détenu jusque là par les Vénitiens. Son voyage a été minutieusement préparé. Mais à son arrivée à Calicut, il est mal accueilli par le
Samorim. En 1499, une deuxième expédition, commandée par
Pedro Alvares Cabral est envoyée avec l'objectif d'en imposer, par la force si nécessaire.
Le 22 avril 1500, Cabral aborde au Brésil et en prend possession. Tout laisse à penser qu'il n'a pas dérivé vers l'ouest par hasard comme cela est dit mais qu'il est allé là où il savait trouver des terres. Il envoie un messager à Lisbonne et poursuit sa route.
Arrivé à Calicut, il reçoit meilleur accueil mais très vite les portugais doivent affronter la concurrence des Vénitiens, des Turcs et des Égyptiens. C'est la fin des voyages pacifiques. Les Portugais sauront tirer parti des divisions entre les hindous et les musulmans de la région. Une factorerie est créée à Cochim puis à Cananor, Sofala, Quiloa et Malacca (1511). Elles sont protégées par des forteresses et une armada. On finira par installer une administration et créer un poste de vice-roi des Indes pour maintenir l'ordre dans l'Océan Indien: citons Francisco de Almeida et surtout Afonso de Albuquerque qui fondera aux Indes des forts solides aux points stratégiques:(Malacca, Siam, Goa qui devient la capitale de cet empire, Moluques, Timor, Socotra, Ormuz). Ils contrôlèrent bientôt tout l'océan Indien. Mais les conflits seront permanents. Les Portugais se livrent à de nombreux massacres et développent l'opposition indigène avant que Albuquerque tente une politique plus conciliante. Il tentera d'obtenir l'appui des populations locales afin d'éviter les guerres trop coûteuses.
Amerigo Vespucci fait partie du premier voyage officiel au Brésil (1501). La découverte du Brésil permet aux commerçants portugais de s’approprier le pau-brasil, un bois de teinture et de construction très recherché. Mais le pays semble peu intéressant au départ jusqu'à ce que la concurrence espagnole et française se fasse sentir. On y envoie des colons, on crée des factoreries. Les indiens du Brésil puis de nombreux africains sont mis en esclavage pour la culture du sucre. En 1600, le Brésil est le premier producteur de sucre au monde et le principal apport de ressources du Portugal. Au XVIIe siècle les Bandeirantes découvrent également de l’or et des diamants au sud de la colonie qui sont exploités grâce à une même main d’oeuvre servile.
Les découvertes se poursuivent par ailleurs : en 1495, Pero de Barcelos et Fernandes Lavrador explorent les côtes du Canada et du Groenland (donnant son nom au Labrador). En 1500, Gaspar Corte Real arrive à Terre-Neuve. En 1513, Jorge Alvares arrive en Chine et Tomé Pires à Pékin. En 1519, Magellan pour le compte de l'Espagne boucle le premier tour du monde. En vérité, il cherche à atteindre les Moluques que Charles Quint revendique sans passer par les eaux portugaises. Cela provoque une crise diplomatique en 1522.
C'est un véritable empire qui naît reposant sur les comptoirs. La Casa da India à Lisbonne contrôle et vérifie les marchandises importées d'Orient. Les richesses venues des colonies (épices, or, pierres...) vont affluer pendant les siècles suivants. Jamais le pouvoir royal n'a été aussi grand. Manuel Ier réforme d'ailleurs l'administration avec un nouveau code législatif afin de renforcer encore ce pouvoir(les Ordonnances Manuelines de 1521). Mais il sait aussi ménager la noblesse (contrairement à son prédécesseur) qui, grâce aux nouvelles colonies, finit par y trouver son compte. En 1555 le pays est compté comme le plus riche d'Europe.
C'est un période de croissance démographique. Le Portugal compte alors à peu près 1,5 million d'habitants. Tout un peuple vit alors impliqué dans le colonialisme. Beaucoup partent vers les colonies. L'esclavage fait que le travail devient une valeur dénigrée. Période de développement culturel aussi avec le début des grandes constructions influencées par la Renaissance, avec l'installation définitive de l'université à Coimbra. Le style manuélin, gothique propre au pays se propage sous l'influence de grands architectes (Mateus Fernandes, Diogo de Arruda, Francisco de Arruda et les français Diogo de Boytac ou Nicolas Chanterène).
La littérature connaît aussi une époque faste avec les oeuvres de Joao de Barros, Damiao de Gois ou Gil Vicente. Le tableau de Nuno Gonçalves résume à lui seul toute cette époque. Les portugais vont inventer une science basée sur l'expérience.
Le rôle des jésuites sur ce point se révèle très important. Cette société missionnaire parcourt le pays pour former les jeunes chrétiens. Leur pensée va imprègner toute la société portugaise. Ils ont aussi pour mission d'évangéliser les Indes et le Brésil. Ils pénètreront même au Japon, en Chine et au Tibet. Ils seront à l'origine de la fondation de Nagasaki, Sao Paulo et Rio de Janeiro. Ils font souvent preuve d'un grand respect des traditions et des lois locales. Ils apprennent les langues locales, rédigent des grammaires. Ils vont jusqu'à s'opposer à l'Inquisition et aux colons sur la question de l'esclavage des indiens. À tel point qu'ils seront expulsés du Brésil en 175.
Les autres ordres sont également présents: les franciscains à Goa et Cochim, les dominicains à Goa, Malacca et Timor, les Augustins à Macao. L'évangélisation des peuples reste une priorité pour la couronne.
Les germes de la décadence
Le problème est que ces richesses vont être gaspillées: elles seront en grande partie utlisées pour de grandes constructions et non investies pour mettre en place des structures économiques sur le territoire. Les minerais (or, diamant) trouvés au
Brésil au
XVIIe siècle n'ont pas enrichi le Portugal mais au contraire ralenti son économie exactement comme cela a été le cas de l’
Espagne pour ce qui est des mines d’argent de
Potosí. Les deux pays ibériques n'ont cessé d’importer des produits manufacturés d’
Angleterre en échange des minerais. Au bout de deux cents ans, les manufactures portugaises et espagnoles ont été presque ruinées tandis que les Britanniques avaient de l’or, de l’argent, des diamants et une industrie. Le Portugal va accentuer une trop confortable dépendance envers les colonies, dépendance qui aura des conséquences jusqu'à nos jours. L'acquisition trop facile de richesses pervertit les mentalités.
Par ailleurs, le pays se fragilise avec la ruée vers l’or qui attire tant d’immigrés vers le Brésil qu’on doit freiner les départs vers la colonie. En Inde, le commerce est si prospère que soldats et marins abandonnent le service du roi.
Tout cela révèle la relative puissance du pays qui se révèle trop faible pour contrôler un si grand empire. Il ne pourra jamais vraiment contrôler le commerce de la mer Rouge. Ils compensent un moment le handicap démographique par une incroyable organisation. Tout cela a un coût et l'Inde se révèle un gouffre financier. Très vite, les Portugais doivent faire face à une vive concurrence française et surtout hollandaise. De 1550 à 1575 les Français occupent Rio de Janeiro. Les Hollandais vont encore plus loin en occupant tout le Nordeste brésilien et l’Angola (centre d’extraction des esclaves), de 1630 à 1654. Grâce à la colonie du Cap, les bateaux hollandais ont également une escale vers l’Inde, l’Insulinde et ses précieuses épices. La concurrence se faisant plus forte, les prix des produits importés baisse; or les coûts de fonctionnement du commerce augmentent ainsi que les produits de première nécessité; les revenus ne suivent plus. Le fossé se creuse entre le peuple et la bourgeoisie d'un côté et une élite privilégiée de l'autre. L’invasion hollandaise étant indirectement dûe à l’union des deux monarchies ibériques en 1580, suite à la bataille d'Alcantara, le Portugal fut impliqué dans la rivalité hispano-hollandaise tandis que toutes les fonctions importantes au Portugal tombèrent aux mains des Espagnols.
En outre, en 1496, Manuel Ier se préparant à épouser la fille des rois d'Espagne, ceux-ci fixent comme condition l'expulsion des juifs. Le roi ne peut se résoudre à se séparer de cette population très présente dans la vie sociale et économique (l'administration fiscale, l'artisanat, la médecine, l'astrologie, la cartographie...). Ils contribuent largement à la prospérité du pays. Il va donc utiliser la force pour les convertir: baptême forcés, enlèvement des enfants de moins de 14 ans afin de leur faire suivre une éducation catholique, fermeture des ports, confiscation des biens. Officiellement on ne parle plus de juifs au Portugal mais de nouveaux chrétiens (Conversos) qui vont peu à peu être assimilés.
L'Inquisition va tout de même rendre leur vie difficile. La menace donnera lieu à une pratique occulte du judaisme alors que d'autres iront se réfugier en France ou en Hollande . Le pays perd de nombreux intellectuels. L'Inquisition, aura toujours intérêt à exagérer la menace que représentent les juifs et les hérétiques, justifiant ainsi sa propre existence. Elle va exacerber la haine populaire contre eux. Créée pour lutter contre la réforme et les courants hérétiques, elle n'aura jamais la même virulence qu'en Espagne, surtout que le pays sera peu touché par la Réforme. En vérité, elle n'aura été introduite par le roi Jean III (1520-1557), en 1547, que pour renforcer son autorité et s'emparer des biens des prétendus hérétiques. Son action sera pourtant catastrophique dans le domaine culturel et scientifique (censure, autodafé...). Le pays tombe dans un fanatisme religieux.
On lui reproche aussi de se laisser trop influencer par sa femme, Catherine d'Autriche, soeur de Charles Quint, soi-disant inféodée à la maison d'Autriche. Elle va chercher à renforcer encore les liens entre les deux couronnes par le mariage de ses enfants.
Face à la crise financière, Jean III est amené à abandonner les places du Maroc (1541.
Le désastre d'Alcacer-Kibir
A la mort de
Jean III, le pays se retrouve de nouveau face aux sempiternels problèmes de succession motivés par l'ambition de monarques espagnols et portugais de réunir les deux pays.
Jean III avait épousé la soeur de
Charles Quint qui lui-même avait épousé la soeur de
Jean III. La fille de
Jean III, elle, a épousé le futur roi d'Espagne Philippe II. Le seul héritier mâle et unique rempart à l'union ibérique est Dom Sebastien, petit-fils de
Jean III, alors trop jeune pour monter sur le trône. La dispute commence sur la question de la régence. C'est d'abord Catherine, veuve de
Jean III qui l'assure de 1557 à 1562. Jugée trop proche de la Castille, elle est remplacée au profit de Henri, dernier fils vivant de Manuel Ier. Pour la première fois un écclésiastique règne au Portugal.
Son règne va renforcer le pouvoir de l'
Inquisition et de l'Église. Il va confier l'éducation de Sébastien au jésuite Luis Gonçalves de Camara: homme peu tolérant, passéiste et fanatique. Le futur roi est élevé dans le culte de l'esprit chevaleresque, des croisades contre l'
Islam et entouré par une ferveur populaire qui lui vaut le surnom de
O desejado (Le Désiré) tant sa naissance était désirée par le peuple pour empêcher l'union des deux couronnes et surmonter la crise que connaît le pays. Il rêve d'action et de combattre la corruption des moeurs des portugais séduits par une vie facile. Il est porteur de la volonté de régénération et de croisade qui anime le pays. Il est très habile dans les exercices physiques et passionné pour la chasse et la guerre. Il refusera de se marier. En 1568, Sébastien Ier du Portugal a 14 ans quand il monte sur le trône avec l'idée, soutenue par les Cortês, de reconquérir les terres du
Maroc. Il faut y voir aussi une réponse à la crise commerciale avec les Indes. Le pays s'est appauvri à force d'efforts pour garder ses possessions de plus en plus disputées.
En 1569, il promulgue une loi lui permettant de recruter tous les hommes valides pour son armée. Il confie même au municipalités l'organisation militaire de leur territoire, privilège jusque là aux mains des seigneurs . En 1574, une première expédition de reconnaissances est organisée en Afrique.
Alors que les caisses du royaume sont vides, il organise une expédition de grande envergure. La demande d'aide d'un chef marocain opposé aux Turcs offre un prétexte pour s'embarquer. Les pressions de son entourage pour empêcher cela n'y font rien. La fine fleur de l'aristocratie portugaise, 16 000 hommes inorganisés, inexpérimentés partent sans laisser de successeurs au pays.
Le 4 août 1578, a lieu la bataille d'Alcacer-Quibir (dite aussi Bataille des Trois Rois): c'est un carnage; des milliers de morts, de nombreux prisonniers. Une centaine de rescapés rentrent à Lisbonne. Le roi et mort mais son corps n'a pas été retrouvé. C'est un désastre militaire, économique et politique. Cette défaite marque la fin d'une époque glorieuse ainsi que celle de la dynastie d'Avis. Une épopée chantée par le poète Luís de Camões, disparu également à cette époque, dans Les Lusiades. Quatre siècles d'une indépendance chèrement acquise sont remis en cause. Cet épisode marque aussi la fin des Croisades.
L'union de l'Espagne et du Portugal
Outre la crise politique et économique, c'est une crise morale que connaît le pays. Le vieux cardinal Henri monte sur le trône le 28 août 1578. Pourtant plusieurs prétendants existent dont Philippe II d'Espagne. Cette solution a les faveurs de la noblesse et du clergé. Le peuple favorise un portugais mais les Cortês n'arrivent pas à trancher. La grande bourgeoisie penche du côté espagnol pour des raisons économiques. Elle entend profiter de nouveaux marchés. Pour ces mêmes raisons la noblesse espagnole est plus réticente.
Le Portugal perd ses places au profit des Pays-Bas et de la France.
le Portugal de Pombal
Au début du XVIIIème siècle, Sebastião José de Carvalho e Melo, le marquis de Pombal, assure la fonction de premier ministre, et est l'instigateur de réformes dans de multiples domaines. Il introduit au Portugal la doctrine du "Roi de droit divin", et se révèle un despote éclairé, au service d'un roi absolu éteint, D.José Ier. Les jésuites, qui défendaient le pacte de sujétion du roi à la République, sont expulsés. Il a été très critiqué pour sa cruauté et sa rigidité. La reconstruction du quartier de la Baixa à Lisbonne, après le tremblement de terre de 1755, exprime les concepts urbains et esthétiques de l'Iluminisme. En ce qui concerne le Brésil, le Marquis le considère comme une colonie strictement dépendante de Lisbonne et au service de l'enrichissement du Royaume du Portugal ; le peuple brésilien se sentait méprisé, ce qui a engendré une instabilité locale suffisante pour que la colonie se révolte et devienne indépendante.
La domination napoléonienne
La révolution libérale de 1820
Au début du XIXè siècle, le
Portugal vit une crise motivée par le départ de la famille royale pour le Brésil, ainsi que par les conséquences desctructrices des invasions napoléoniennes, la domination anglaise sur le Portugal, et l'ouverture des ports du
Brésil au commerce mondial, qui provoque la ruine de nombreux commerçants portugais. Au même moment, l'idéologie libérale se développe dans de petits groupes de la bourgeoisie.
Le 24 août 1820 une révolution explose à Porto, dont l'objectif immédiat était de convoquer des Assemblées qui doteraient le Portugal d'un texte constitutionnel.
Cette révolution ne rencontra pas d'opposition. Lorsque la ville de Lisbonne adhéra au mouvement, une Junte Provisoire se forma, dont l'objectif était d'organiser des éléctions pour élire les Cours. Les députés élus, représentants tous les territoires contrôlés par le Portugal (Brésil,Madère,Açores, dépendances d'Afrique et d'Asie) formèrent les Assemblées Constituantes.
Les Assemblées intimèrent l'ordre au roi D. Joao VI de revenir au Portugal. Avant son retour, il nomme son fils, le Prince D. Pedro, régent du Brésil, ce qui déplait aux Assemblées Constituantes, pour lesquelles les souverains devaient résider au Portugal continental. Les Assemblèes ordonnèrent aussi de D. Pedro quitte le Brésil et fasse son éducation en Europe. Ces attitudes créent le mécontentement des 65 députés brésiliens, qui quittent le pays pour le Brésil. Le 7 septembre 1822, le prince D. Pedro reçoit un message de plus des Assemblées, qu'il déchire devant ses compagnons, s'exclamant : "L'indépendance ou la mort!". Cet acte, connu comme le "cri de Ipiranga", marque la date de l'indépendance du Brésil.
La même année les Assemblées approuvent la constitution. Inspirée de la Constitution française de 1791, elle consacre la division tripartite des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire), et limite le rôle du roi à une simple fonction symbolique, donnant le pouvoir à un gouvernement et un parlement à une seule chambre élu au suffrage direct.
la crise brésilienne
la 1re République
La colonisation de l´Afrique
Le Portugal de Salazar
En 1928 est nommé au gouvernement un professeur de Finances de l'Université de
Coimbra, António de Oliveira Salazar, qui va tenir le destin portugais entre ses mains pour les quatre prochaines décennies.
Sa pensée politique rejette le communisme, mais aussi les traditions du libéralisme politique et économique. Profondément conservateur et nationaliste, il alimente une nostalgie pour le milieu rural, considéré comme idéal.
En 1932, Salazar cumule la charge de ministre des Finances, avec celle de président du Conseil des Ministres pour laquelle il est nommé. A partir de ce moment il se dédie à mettre en place les structures d'un nouveau régime politique, caractérisé par l'existence d'un parti unique (l'Union Nationale), par un système économique régulateur de l'économie (le conditionalisme économique) et par son antiparlementarisme.
En 1933 entre en vigueur la nouvelle constitution portugaise. De teneur présidentielle, elle admet l'existence d'une Assemblée Nationale et d'une Chambre Corporative composée par d'éléments liés à des corps de métiers. Dans la pratique, le président était une figure inconsistante, l'Assemblée Nationale était occupée par des partisans du régime et le pouvoir est concentré entre les mains de Salazar.
Les anciens partis politiques disparaissent, à l'exception du Parti Communiste Portugais (fondé en 1921), qui passe dans la clandestinité et dont les dirigeants sont durement persécutés par la polica politique (appelée d'abord la PVDE, puis la PIDE). La censure, rétablie en 1926, est consolidée et toutes les grèves interdites. En 1936 le régime crée la "Jeunesse Portugaise", dont le but était d'inculquer aux jeunes du pays les idées du régime.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le Portugal reste neutre, et vend des matièes premières qui servent à la construction du matériel de guerre. En 1949 le Portugal entre dans l'OTAN et en 1955 à l'ONU.
Dans les années 60, le Portugal connaît une forte vague d'émigration. Les destinations principales des portugais, motivés par leur désir pour de meilleurs conditions de vie, sont la France et l'Allemagne de l'Ouest.
Le 10 Novembre 1961, le détournement d'un avion entre Casablanca et Lisbonne, appelée l'Opération Vagô, sert à distribuer des pamphlets anti-salazaristes. C'est la première action de ce genre dans le monde. Le 19 décembre 1961, les troupes indiennes envahissent les territoires portugais de Gao, Damao et Diu. La même année, la guerre d'indépendance de l'Angola débute.
Sujets de l'histoire du Portugal
- Indépendance du Portugal
- Crise portugaise de 1383-1385
- Dynastie d'Aviz
- Découvertes portugaises
- Dynastie de Bragance
- Tremblement de terre de 1755
- Histoire du Portugal (1777-1834)
- Crise de succession du Portugal (1826-1833)
- Guerre d'Espagne
- Révolution des OEillets
Voir aussi
Notes et références
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Bibliographie
- A. H. de Oliveira Marques: Geschichte Portugals und des portugiesischen Weltreichs; Kröner; 2001; ISBN 3-520-38501-5
- Walther L. Bernecker, Horst Pietschmann: Geschichte Portugals; C. H. Beck; 2001; ISBN 3-406-44756-2
- Picard, Christophe : Le Portugal musulman - (VIIIe - XIIIe siècle ; l'Occident d'al-Andalus sous domination islamique , Paris, Maisonneuve et Larose, 2000, ISBN 2-7068-1398-9
- Martins Oliveira: Histoire du Portugal, édition La Différence, 1994, traduit du portugais par Claire Cayron, ISBN 2-7291-1021-6
- Léonard Yves : Le Portugal - vingt ans après la révolution des oeillets, les études de la documentation française, Paris, 1994, ISBN 2-11-003125-5
- Hermano Saraiva José: Historia concisa de Portugal; publicaçoes europa-américa ; 1978 ; ISBN 972-1-02829-0
- Bourdon Albert-Alain : Histoire du Portugal ; Chandeigne Édition ; Collection : Série lusitane ; ISBN-10: 290646211X
- Durand Robert : Histoire du Portugal ; Editions Hatier ; 1983 ; Collection : Nations d'Europe ; ISBN-10: 2218038358
- Labourdette jean-François:Histoire du Portugal ; Editions Fayard ; 2000 ; ISBN 2-213-60590-4
Liens internes
Liens externes